Les avocats manifestent à Bangui

Les avocats lancent une manifestation d'une semaine en soutien à la Cour Constitutionnelle....
Maître Emile Bizon – Bâtonnier de l’ordre des avocats de Centrafrique

Tous vêtus de leur robe noire, ils étaient plus d’une centaine à faire un « sit-in » au siège de la Cour Constitutionnelle (CC) pour lui apporter leur soutien, dans la matinée du lundi 19 Septembre 2022.

Avocats, notaires, huissiers de justice…des hommes et des femmes qui protestent pour

« faire respecter la séparation des pouvoirs » selon Maître Emile Bizon, Bâtonnier du barreau de l’ordre des avocats de Centrafrique.

Comme motif de ce mouvement de protestation :

les multiples invectives et menaces de mort à l’encontre d’agents du pouvoir judiciaire, et l’ingérence politique dans les affaires de justice.

Un acteur pointé du doigt : la Galaxie Nationale. Une organisation proche du pouvoir dirigée par le sulfureux Didacien Kossimatchi.

Maître Emile Bizon, fer de lance de ce mouvement de protestation, répond aux questions de Centrafrica.

Aujourd’hui, il y a une manifestation du corps des avocats au siège de la Cour Constitutionnelle (CC). Pourquoi manifestez-vous ?

Cette manifestation n’a pas regroupé uniquement que les avocats. Il y a eu les notaires, les huissiers de justice et les avocats.

Nous manifestons pour exprimer le soutien de ces 3 corps à la Cour Constitutionnelle particulièrement, et à tout le corps judiciaire, toute la magistrature, cela pour la garantie de l’indépendance de la justice.

Quels sont vos motivations et les antécédents qui vous poussent à un tel acte ? 

Depuis un certain temps, on assiste à une série d’actes qui visent à affaiblir tous les organes qui composent le pouvoir judicaire. Ça a commencé par les avocats.

Un avocat (Maître Manguereka) a reçu des menaces de morts d’un groupuscule de personnes se réclamant d’une plateforme dénommée Galaxie Nationale, dont un certain Didacien Kossimatchi serait le coordonnateur.

En ma qualité de bâtonnier, j’avais réagi pour condamner ce fait, et ce même monsieur s’en est pris à moi personnellement, et à tout le corps des avocats. 

Suite à cela, une plainte a été déposée à son encontre, et l’huissier de justice qui devait lui délivrer la citation à comparaître a reçu aussi une menace de sa part.

Dernièrement, pendant 2 jours successifs,

des individus proches de cette plateforme (Galaxie Nationale) ont manifesté devant la Cour Constitutionnelle, en proférant des menaces de mort à l’encontre de la présidente et du vice-président de cette institution.

Aussi, nous constatons qu’il y a une stratégie visant à annihiler le pouvoir judiciaire, et le mettre sous la coupe du pouvoir exécutif. Cela est inadmissible dans une démocratie.

Voilà donc, les antécédents qui nous ont conduits à décider de la tenue de cette manifestation.

Mais pourquoi ne pas avoir fait cela avant les manifestations qui ont eu lieu devant la Cour Constitutionnelle ? Des voix s’élèvent pour dire que le barreau des avocats dérive dans la politique sans vouloir l’assumer. Que répondez-vous à cela?

Dans ce pays, lorsqu’on est à court d’arguments on agite l’éventail de la politique. La question qui se pose ici est la suivante :

y a-t-il violation du principe de l’indépendance de la justice oui ou non ?  

L’opinion nationale et internationale en sont témoins.

Avant ce qui s’est passé à la Cour Constitutionnelle, lorsqu’un avocat et un huissier de justice avaient été menacés, nous avons publié un communiqué exprimant notre indignation vis-à-vis de cela.

Je voudrais insister sur cette question politique que vous mentionnez.

Vous savez, la question de l’indépendance de la justice ne concerne pas seulement les avocats et les magistrats.

Le justiciable qui apporte son affaire devant le juge, a besoin d’avoir la certitude que le juge tranchera son affaire en toute indépendance et liberté. C’est de cela qu’il s’agit.

Aujourd’hui, s’il n’y a plus de confiance dans la justice, alors il n’y aura plus de paix dans le pays, parce que chacun voudra se faire justice lui-même. Est-ce que manifester pour cela c’est faire de la politique ?

L’opinion publique s’inquiète quant à la durée de cette manifestation prévue pour 5 jours. Que va-t-il se passer pour les clients qui ont des dossiers en cours au tribunal ? Faut-il s’attendre à une  paralysie du système pendant toute cette période ?

Le système ne sera pas paralysé. Les magistrats vont continuer à rendre la justice. Nous sommes des responsables. Nous avons des méthodes pour assurer la garantie des dossiers dont nous avons la charge. Ceci est certain.

Les dossiers pour lesquels des actes doivent être posés, ces actes seront posés par les avocats. Seulement, les avocats ne plaideront pas de dossiers.

Nous avons écrit aux juridictions pour demander le report des dossiers dans lesquels les avocats interviennent pendant cette période. Et c’est dans l’intérêt du justiciable.

Si les juges qui doivent trancher des dossiers pendant cette période ne peuvent pas le faire dans l’indépendance et l’impartialité, alors les justiciables sont dans l’insécurité.

C’est également pour garantir la sécurité des dossiers dans lesquels nous intervenons que nous manifestons. A quoi sert-il de défendre une affaire devant le juge, si nous savons que ce dernier ne peut pas trancher de manière indépendante et impartiale ?

Vous avez annoncé une Assemblée Générale (AG). Le Ministre d’Etat à la justice a signé un message porté interdisant cette dernière. Vous avez quand même tenue cette AG. Ne vous placez vous pas là, en fauteur de trouble, ou encore, en hors la loi ?

La message porté du Ministre de la Justice interdit aux magistrats de participer à cette Assemblée Générale (AG). Nous ne sommes pas sous la coupe du Ministre de la Justice.

D’ailleurs, même les magistrats, tous ne sont pas sous la coupe du Ministre de la Justice.

Cette note est en violation flagrante de la Constitution qui instaure la séparation des pouvoirs.

Le ministre est un homme politique qui appartient à l’exécutif.  Il ne peut pas donner d’injonctions aux magistrats, de ne pas tenir une AG pour traiter de questions qui les concernent.

Je voudrais souligner ici, que l’AG avait été décidée de concert entre les 4 corps.

Magistrats, Avocats, Notaires, Huissiers de Justice.

Les représentants de tous ces corps s’étaient réunis, et c’est d’un commun accord que nous avons décidé de tenir cette AG mixte.

Les autres ont tenu leur parole. Les magistrats ont obéit au pouvoir exécutif, c’est leur responsabilité.

Comptez vous mener d’autres actions après celle d’aujourd’hui ?

Nous allons continuer à organiser des « sit-in » de soutien à la CC. Nous sommes en train de rédiger un mémorandum que nous transmettrons au Gouvernement.

Ce que nous demandons, c’est rien d’autre que le respect du principe de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice.

Maître Bizon , merci !

C’est moi qui vous remercie.

Rejoignez notre liste d’abonnés