10 défis à relever pour les jeunes centrafricains

Les jeunes centrafricains représentent  70 % de la population,

et cette jeunesse est théoriquement mise en avant par des déclarations comme :

on ne tourne jamais le dos à la jeunesse  ; la jeunesse est le fer de lance du développement. 

Mais dans les faits,

la jeunesse centrafricaine qui a pourtant une réelle potentialité peine à retrouver sa place dans le système national,

et à traverser comme il se doit les différentes étapes de son épanouissement.

Quels sont les dix défis majeurs à relever par cette jeunesse et le système national pour permettre aux jeunes de jouer pleinement  rôle ?

Nous avons interrogé un nombre restreint mais très représentatif de la jeunesse centrafricaine toute catégorie pour établir la liste de ces défis.

1. L’éducation 

Le système éducatif centrafricain va de mal en pire depuis plusieurs décennies avec comme conséquence directe la baisse de niveau de la maternelle au supérieur.

Le manque d’infrastructures et d’enseignants qualifiés ne trouvent toujours pas de solutions à Bangui et dans les provinces.

La situation est pire dans les zones reculées et/ou en conflit. La jeunesse ne reçoit donc pas l’éducation de base pour mieux s’émanciper.

Le taux d’analphabétisme en milieu jeune est inquiétant.

La déperdition scolaire et l’abandon précoce des études font qu’un fort pourcentage de jeunes centrafricains n’a que leur force physique comme grand atout.

Il faut absolument que le gouvernement et tous les experts nationaux de l’éducation trouvent une solution urgente à cette situation.

2. La formation professionnelle et/ou qualifiante 

Le Centrafrique manque cruellement de programme, de structures et infrastructures de formations professionnelles et qualifiantes en faveur des jeunes.

Les jeunes centrafricains qui n’ont pas été à l’école, ceux qui ont quitté tôt les bancs de l’école ou qui ont un faible niveau n’ont que très peu ou presque pas de possibilités de se former,

pour avoir un métier ou acquérir une compétence pour leur permettre de se lancer dans une activité professionnelle et/ou génératrice de revenus.

Ce sort n’est pas seulement celui de la catégorie des jeunes cités plus haut.

Ceux qui réussissent au Baccalauréat chaque année ont des difficultés pour poursuivre leurs études,

car depuis l’indépendance à nos jours, le pays n’a qu’une seule université qui offre à 80% que des études générales.

Depuis quelques années des établissements privés d’enseignements supérieurs proposent des palliatifs,

mais qui ne couvrent pas les métiers de base comme la maçonnerie, la menuiserie, la plomberie et autres. 

Ce qui complique l’accès de ces jeunes aux emplois ou à l’auto emploi.

3. L’emploi

Selon un article publié sur le site de la MINUSCA en 2021, le taux de chômage en milieu jeune est de 87% en Centrafrique.

C’est un drame social.

Mais qui s’explique très facilement car une jeunesse peu ou mal éduquée,

qui n’a pas reçu une formation professionnelle ou qualifiante ne peut pas accéder à des emplois ni s’auto employer de la manière efficace.  

Ils travaillent souvent dans l’agriculture de subsistance (ceux des provinces) ou ont des métiers peu qualifiés, comme aide-mécanicien, apprenti menuisier,

gardien, vendeur à la sauvette ou conducteur de taxi moto… Leur participation au mouvement économique national laisse à désirer.

5. l’accompagnement des initiatives des jeunes 

Malgré ce sombre tableau, les jeunes centrafricains lancent beaucoup d’initiatives qui ne sont pas encouragés par les autorités.

Il n’y a presque pas de structures d’accompagnement des initiatives des jeunes.

Ainsi donc la plus part des projets souvent novateurs porter par les jeunes s’essoufflent.

L’accès aux crédits bancaires est quasi impossible pour les jeunes porteurs de projets et d’initiatives. Ce qui les condamne dans la précarité.

4. La précarité

Beaucoup de jeunes centrafricains vivent dans la précarité.

Prisonniers de plusieurs facteurs qui les empêchent de jouir de leur jeunesse,

ils n’ont pas les moyens d’existences et sont les proies faciles des entrepreneurs de rebellions et autres charlatans politiques et de tous ordres.

La République Centrafricaine ne dispose d’aucune prestation sociale.

Si vous ne réussissez pas par vous-même, vous tombez directement dans la précarité.

Une étude non publiée, commandée par le Conseil National de la Jeunesse affirme que

les jeunes de 18 à 35 ans qui n’ont pas de diplômes et de formations professionnelles et/ou qualifiantes, vivent très difficilement et n’ont même pas la moitié de 1 $ par jour.

Cette forme sévère de précarité les expose à tous les dangers et anéanti quasiment leur participation aux efforts de développement du pays en sus de détériorer leur santé.

6. La santé 

ce sixième défi est vital, pourtant là aussi la situation laisse à désirer.

Les jeunes centrafricains ne peuvent pas se soigner comme il se doit.

En sus de l’insuffisance des infrastructures sanitaires et l’inadéquation des plateaux techniques des formations sanitaires,

l’accès aux services de santé est un véritable leurre pour les jeunes qui n’ont pas les moyens pour se faire consulter et surtout pour acheter les médicaments.

Le pays ne dispose de rien pour les soins des économiques faibles, des chômeurs, des précaires et autres.

Pourtant les jeunes centrafricains sont massivement dans ces catégories sociales citées.

7. L’engagement politique et citoyen 

Les jeunes centrafricains s’engagent très peu en politique et ne s’intéressent pas assez aux affaires de la République.

La non résolution des défis ci haut explique cela.

Quand l’éducation de base fait défaut, que le chômage sévit, on n’a pas le temps pour faire de la politique, ni pour faire le bénévolat dans des associations.

Ce qui explique toutes les difficultés que les porteurs de changements ont à mobiliser dans le pays.

Les jeunes ne s’engagent pas sans contrepartie en Centrafrique et ne s’auto mobilisent presque jamais.

8. Manque de repères

L’origine est à la fois du fait des jeunes qui s’éloignent de plus en plus d’eux-mêmes

par la consommation outrancière des cultures d’ailleurs et leur peu d’intérêt pour les us et coutumes et cultures nationales.

Et aussi du fait de la société qui offre très peu d’opportunités aux jeunes de se cultiver et très peu d’exemples à suivre.

Les leaders qui incarnent la lutte, l’intégrité, le charisme et le volontariat sont rares ou quasi inexistants dans le pays.

Les jeunes Centrafricains ont pour repères, des héros des films,

des Artistes et autres qui n’ont pas forcément un impact positif sur leur caractère et engagements dans la société.

9. Le faible positionnement des jeunes 

Dans les instances de décisions, les organes dirigeants du secteur privé et de l’administration,

les jeunes centrafricains sont absents.

L’âge limite pour accéder à des postes de responsabilité ou pour participer à une compétition électorale est l’un des plus élevé de l’Afrique.

On donne rarement la chance aux jeunes de se faire valoir. On évoque souvent les défis précités.

Mais dans beaucoup de cas, les jeunes remplissent les conditions mais on ne leur donne pas leur chance.

Rares sont les jeunes de moins de 35 ans qui ont une voiture ou une maison.

Dans les provinces et même parfois à Bangui, jusqu’à quarante ans, certains continuent de militer dans les organisations de jeunesse.

C’est parce que le processus naturel de leur transformation sociale est en retard.

10. La sécurité 

les jeunes partagent ce défi avec toutes les autres couches sociales du pays. Mais il se manifeste avec plus d’acuité chez les jeunes.

La persistance de l’insécurité dans le pays empêche les jeunes de vaquer librement à leur activité et bloque leur émancipation.

Le maintien du couvre-feu dans le pays n’est pas du goût des jeunes qui ne peuvent par exemple pas aller regarder en toute quiétude

les matchs des différents championnats du monde dans les ciné- clubs qui pullulent dans les grandes villes et même dans certains villages du pays. 

Beaucoup de jeunes ont aussi perdu précocement leur vie du fait de l’insécurité.

On peut continuer d’énumérer d’autres défis qu’affrontent les jeunes centrafricains chaque jour.

La grande question reste de savoir comment faire pour relever ces défis et permettre à la jeunesse du Centrafrique

de développer ses potentialités et devenir réellement le fer de lance du développement du pays comme on aime le dire par ici au cœur de l’Afrique.

<strong>Gervais</strong> <strong>Lakosso</strong>
Gervais Lakosso

Sociologue / Spécialiste en éducation populaire et expert en ingénierie culturelle, Gervais Lakosso est l’un des principaux leaders de la société civile Centrafricaine. Icone du paysage culturel de la RCA, il est aussi un artiste musicien de renommée.

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