En Centrafrique, le combat pour la constitution fait rage

Faustin Archange Touadera – Président centrafricain

Mobilisation de masse, conférence de presse, débat radio/télé, meeting…Depuis plusieurs mois, parti au pouvoir, opposition et société civile, s’attèlent par tous les moyens à convaincre l’opinion.

Le premier camp conduit le projet de l’écriture d’une nouvelle constitution. Le second, travaille à faire échouer l’initiative.

Centrafrica vous présente les principaux acteurs et enjeux d’une guerre sans relâche.

Hyppolite Ngatté, « le cerveau »

Ngatté est l’initiateur du Cercle de Réflexion pour une Constitution Républicaine (CRCR).

Une organisation réunissant plusieurs dizaines de leaders d’associations et groupes de soutien au président Touadera.

Implanté dans les 9 arrondissements de la capitale Bangui, ainsi que plusieurs villes de provinces, le CRCR travaille à sensibiliser les populations sur le fait que la constitution actuelle ne serait plus adaptée à la réalité de leur conditions de vie. 

Coordonnateur du mouvement,

Ngatté est reconnu par ses pairs comme le cerveau derrière la stratégie de sensibilisation de proximité et mobilisation de masse, ayant abouti à plusieurs mobilisations populaires sur toute l’étendue du territoire.

Selon un membre phare du CRCR, il est le stratège qui aurait tout pensé.

« Ngatté, c’est le cerveau du projet visant à faire adhérer la population à l’idée d’une nouvelle constitution. C’est lui qui a tout mis sur pied.»

Crépin Mboli-Goumba, « le résistant »

Avocat de profession et ancien candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2020,

Mboli Goumba est le coordonnateur du Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC) créer en aout 2022.

Une plateforme regroupant une trentaine de partis politiques et organisations de la société civile opposés à une nouvelle constitution.

Cette dernière, si elle vient à voir le jour, interdirait aux binationaux d’être candidat à l’élection présidentielle, sauf s’ils décident de renoncer à leur seconde nationalité.

Selon nos informations, Mboli Goumba qui aspire à diriger la Centrafrique, jouirait de la nationalité américaine, et serait donc concerné par cette nouvelle disposition.

Ce qui selon le député Kapkayen, expliquerait son combat acharné pour faire échouer ledit projet.

Il publie régulièrement sur son compte twitter, des appels solennels à la résistance contre le président Touadera, qu’il compare à un souverain qui selon lui :

« régnait déjà sans partage, et veut maintenant régner sans limites ».

Kévin Kapkayen, « l’incendiaire »

Député de Mbaiki, Il est considéré comme l’homme qui a mis le feu aux poudres.

Porteur du projet de loi qui a sonné le coup de sifflet du combat pour une nouvelle constitution,

l’élu de la nation proche de la majorité, propose plusieurs changements majeurs dont deux (2) qui font un tollé.

La non limitation du mandat présidentiel, et l’interdiction aux binationaux de postuler à la magistrature suprême.

Certaines personnalités politiques le décrivent comme « un homme dont les propositions risquent de mettre le feu au pays ».

Pour le chef de file de l’opposition, la démarche du député est tout juste inacceptable.

Anicet Dologuélé, « le français » 

Deux fois candidat à la présidentielle, il a été battu à chaque reprise par Faustin Archange Touadera.

Le chef de file de l’opposition qui siège à l’Assemblée Nationale se voit particulièrement visée par la proposition de son collègue député Kapkayen.

Pour cause : Dologuélé est français.

C’est ce que déclare le président de l’URCA lui-même, dans une interview en langue sango sur les ondes de la radio Ndekeluka en Aout 2022, dont la traduction suit :

« Je suis français depuis 1990…j’ai été candidat deux fois. Et aujourd’hui, ma nationalité française poserait problème ?…L’ambassadeur de France Malinas savait très bien que je suis français, et il a tout de même volé ma victoire pour la donner à Touadera. »

Des propos qui ont suscité de vives réactions au sein de la classe politique, dont celle d’un député du principal groupe parlementaire de l’Assemblée Nationale qui s’insurge :

« Les français accepteraient-ils que leur président soit français et allemand ? Ou encore, les camerounais accepteraient-ils que leur président soit naturalisé Nigérian ? Pas du tout. Pourquoi Dologuélé voudrait donc que les centrafricains acceptent que leur président ait deux nationalités ? »

Selon un cadre du bureau de l’Organisation de la Jeunesse du parti URCA,

le principal opposant à Touadera serait déterminé à barrer la route à ce qu’il appelle « un projet pour disqualifier de la course des adversaires coriaces et se maintenir au pouvoir ».

Il a rejoint les rangs du BRDC et appelle les centrafricains à massivement s’opposer au changement de la constitution.

Kévin kpefio, « le catalyseur »

Président de la jeunesse du Kwa Na Kwa (KNK), un des principaux partis d’opposition dont il a été radié par le président intérimaire en exil en France,

Kpefio est un soutien indéfectible au projet d’une nouvelle constitution, auquel il aurait déjà fait adhérer plusieurs centaines de jeunes militants du KNK.

Selon lui, sa radiation du parti ne concerne que celui qui l’a rédigée et signée, se référant à Christian Guenebem, à qui il ne reconnait aucune légitimité.

« Etre KNK ce n’est pas signer des papiers au nom du parti depuis un pays étranger. KNK, c’est dans le cœur. D’ailleurs, ceux qui signent ces papiers de radiation là, c’est moi qui les ai fabriqués. »

Dans un tel contexte, le scénario d’une scission au sein du KNK ne serait pas à exclure.

Kpefio qui bénéficie d’un fort soutien de la base du parti sur le terrain, pourrait devenir leader d’une de ses tendances.

Si c’est le cas, il emboiterait certainement le pas au MLPC courant originel, en travaillant avec la majorité présidentielle.

Ayant fait participer plusieurs centaines de militants KNK aux différentes mobilisations visant à dire oui à la nouvelle constitution,

« il pourrait faire partie du comité de rédaction de cette dernière » confie une source à la présidence de la République.

Karim Meckassoua, « le Barbouze »

Depuis sa destitution, l’ancien député Karim Meckassoua (KM) en exil, œuvrerait dans l’ombre pour :

« faire échouer le projet d’une nouvelle constitution, mais surtout, faire tomber Touadera » confie un leader de l’opposition proche de KM.

Après son éviction du perchoir en 2018,

un membre du gouvernement Sarandji affirme que Meckassoua aurait envoyé un sms à Touadera disant :

« Je te ferais mordre la poussière. »

Des propos qui ne sont pas à prendre à la légère selon un ami de longue date de Meckassoua, l’homme étant réputé dangereux.

« Karim, Il faut faire très attention à lui. C’est un expert dans les méthodes de barbouzage politique. Sa disparition des radars n’est en aucun cas synonyme de retraite politique » poursuit celui qui côtoie l’homme depuis 30 ans.

Homme de réseaux, ayant ses entrées chez plusieurs chefs d’Etat africains, et personnalités politiques européennes,

KM met son carnet d’adresse à profit pour faire blocage au projet constitutionnel.

Longtemps absent du débat politique national depuis son départ en exil en 2021,

il a récemment refait surface par la voix de son porte-parole, Fari Taheruka Shabazz, à l’occasion du meeting du BRDC le 27 aout 2022 sur le terrain UCATEX.

Sani Yalo, « la main cachée »

Richissime homme d’affaires centrafricain et proche conseiller du président de la République,

Sani Yalo ne s’est jamais officiellement prononcé sur le sujet de la constitution qui défraye la chronique en RCA.

Réputé discret et homme de l’ombre du pouvoir,

le milliardaire vêtu d’un ensemble pagne aux couleurs du MCU, était assit aux premières loges du meeting en faveur d’une nouvelle constitution, le 4 Septembre 2022 au stade UCATEX.

Une présence remarquée, qui énonce clairement sa position dans ce combat.

Une femme leader d’une association influente et réputée proche du régime insiste :

« Même si Sani Yalo ne parle point du projet en public, il n’en demeure pas moins un grand soutien. »

Selon l’avis de plusieurs observateurs,

l’homme d’affaires serait l’une des mains cachées derrière le financement des actions menées pour un referendum constitutionnel.

Martin Ziguélé, « l’ex allié amer »

Président du Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC), Martin Ziguélé est un député farouchement opposé au projet d’un changement constitutionnel.

Pourtant, ce dernier fut un allié du président Touadera pendant l’intégralité de son premier mandat.

Aujourd’hui, reconverti dans l’opposition, il a rejoint le Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC) dont il est le porte-parole.

Pour les soutiens du régime,

Ziguélé est un “ancien partenaire du pouvoir qui serait devenu aigri ». Ce que rejettent en bloc plusieurs militants MLPC.

D’après un membre du bureau politique du parti :

« le combat que le président Martin mène est plus que noble, et nous comptons l’accompagner jusqu’au bout. »

Une bataille dans laquelle il ne peut que compter sur une partie de sa formation politique divisée.

L’autre ayant suivi la tendance dirigée par le 1er Vice-président Koyambounou, ne reconnaissant aucune légitimité à Ziguélé qu’elle qualifie de « traitre et tribaliste ».

Héritier Doneng, « l’éclaireur »

Fervent soutien du président Touadera,

Doneng est le fondateur du Front Républicain (FR) militant pour un changement de Constitution.

Lors de la tenue du Dialogue Républicain en Mars 2022, il réclame avec insistance que le thème de la constitution soit débattu pendant les assises.

Sa requête est déboutée.

Il lance alors une pétition qui selon lui a “recueilli environ 700 000 signatures.”

S’en suit la remise d’un mémorandum à l’Assemblée Nationale. Les députés prennent  le relais. Ce qui aboutira à la proposition de l’élu Kévin Kapkayen.

L’opposition accuse le FR de chercher à boycotter les actions du BRDC par la désinformation et l’intimidation.

Akandji Kombé, « le Guru »

Juriste de formation, le professeur Akandji Kombé est le coordonnateur international du G-16, le Groupe des organisations de la société civile pour la défense de la constitution du 30 Mars 2016.

Résidant en France, il multiplie les actions médiatiques et juridiques pour faire barrage au projet d’’une nouvelle constitution.

Ancien conseiller juridique de l’ancien président de l’Assemblée Nationale Karim Meckassoua,

ce professeur d’université et activiste serait vu par le pouvoir de Bangui comme l’un des principaux “maitres à penser” des actions contre une nouvelle constitution.

Selon un diplomate en poste à Paris,

les autorités centrafricaines ne devraient pas minimiser la capacité de lobbying du Professeur Akandji.

” Monsieur Akandji a des entrées dans les hautes sphères politiques et médiatiques en France. C’est un professeur respecté et très écouté par de nombreux politiques. Le sous estimer serait une erreur.”

Quelle issue ?

Des deux camps qui s’affrontent dans ce combat pour la constitution, lequel en sortira vainqueur ?

Le 26 Aout 2022, le président de la République signait un décret portant création d’un comité de rédaction pour une nouvelle constitution.

Quelques jours plutard,

les partis d’opposition et organisations de la société civile réunies au sein du BRDC attaquaient ledit décret auprès de la Cour Constitutionnelle (CC) dont le jugement est vivement attendu.

Les 8 et 9 Septembre 2022, une foule de citoyens en colère proteste devant le siège de la Cour Constitutionnelle.

Les manifestants exigent la démission de sa présidente, Madame Darlan, qu’ils jugent à la solde de l’opposition et de forces exogènes nuisibles au pays. Ils promettent un siège de plusieurs jours devant l’institution.

En Centrafrique, le combat pour la constitution fait rage et est loin d’être terminé.

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