Djeme, un député proche du peuple

Dieudon Marien Djeme – député 2ème circonscription de Nola

C’est dans l’enceinte de sa résidence principale de la ville de Nola, que le député Dieudon Marien Djeme, 4ème vice-président de l’Assemblée Nationale, nous a reçus pour une interview exclusive.

À mi-parcours de son second mandat, sous l’œil vigilant de plusieurs dizaines de visiteurs, il répond à nos questions avec un large sourire.

Économie, politique, sécurité, éducation… l’homme que ses électeurs surnomment « Papa Otchombé » s’est livré à Centrafrica sans ambages et sans réserves.

Quelles sont les principales activités rémunératrices des habitants de Nola et ses environs ?

L’or, le diamant et le bois. Mais en plein temps, chaque année, c’est le diamant et l’or. Ici, c’est comme notre champ de manioc. Ça fait partie de la vie des populations de Nola.

Avant, il y avait le café et le cacao. Mais ce sont des cultures saisonnières. Alors que le diamant et l’or n’ont pas de saisons. Les gens vivent principalement de cela.

Quel est l’état des lieux du secteur minier à Nola ? Comment peut-il profiter réellement aux populations ?

L’exploitation de diamants à Nola demeure à l’état artisanal. Tant que nous n’accéderons pas à l’exploitation industrielle, nous ne gagnerons pas grand chose.

Aujourd’hui, la grande majorité des collecteurs sont des étrangers. Rares sont les collecteurs qui sont des autochtones. C’est les sous emplois que les centrafricains occupent dans ce secteur.

Au final, c’est le collecteur qui fournit le financement et le matériel d’exploitation qui bénéficie des diamants trouvés. Les miniers ne récoltent que des miettes qui ne leur servent pour beaucoup, qu’à acheter les besoins élémentaires de leur foyer, boire de l’alcool et courtiser des femmes.

Nous travaillons donc pour favoriser l’émergence de plusieurs collecteurs locaux. Nous organisons des gens en coopérative afin qu’ils puissent accéder à des permis miniers et exploiter le diamant et l’or.

Nous suivons et assistons certains cas dans ce sens pour le moment. Ce n’est pas facile, mais c’est un travail de longue haleine. Ça finira par payer.

Selon vous, quels sont les défis majeurs à relever pour la ville de Nola ?

Nola vit un paradoxe qui ne dit pas son nom. Laissez-moi vous faire une petite genèse de notre localité.

À l’époque Nola faisait partie de la préfecture de la Haute Sangha. Lors d’une visite à Nola, l’empereur Bokassa 1er,  voyant la potentialité économique de la zone, a déclaré Nola préfecture de la Sangha économique. Cela par rapport à toutes les richesses de Nola.

Mais toutes ces richesses n’ont jamais réellement bénéficié à la ville. A l’époque, les bateaux qui acheminaient les marchandises de Brazzaville accostaient à Nola. Aujourd’hui ça ne se fait plus.

La ville n’est pas urbanisée. Il n’y a pas SODECA, ni ENERCA (sociétés nationales de distribution d’eau et d’électricité).

Il n’y a pas de structures bancaires. Pour faire des transactions financières, il faut aller à Berberati. Heureusement, qu’il y a Orange Money pour alléger un peu la population.

Il nous faut impérativement construire un réseau d’électricité et un réseau d’eau. De bonnes infrastructures routières et un pont sur l’un de nos 3 fleuves.

En tant que député de la 2ème circonscription Nola, quel défi majeur avez-vous décidé d’affronter ?

L’urbanisation et le désenclavement de la ville. La construction d’un pont et d’un réseau routier.

Vous savez, sans routes on ne peut pas parler d’économie. Quand on produit c’est pour vendre.

Aujourd’hui, lorsque la population produit du cacao, elle ne peut pas l’écouler. Le véritable problème de la République centrafricaine c’est son désenclavement. C’est le réseau routier.

S’il y a des routes, on peut attirer beaucoup plus d’investisseurs. On peut avoir des diamants et du bois, mais les partenaires vont venir comment ?

Cela dépasse la capacité d’intervention du député, qui ne peut que faire des plaidoyers auprès du gouvernement dans ce sens.

Qu’est-ce qui vous a motivé à organiser le défilé du 1er Décembre 2022 à Nola ?

C’est d’abord un engagement électoral. Je vous apprends que je suis un Inspecteur Principal des Douanes. Rare sont les douaniers qui quittent leur métier pour autre chose.

Moi, j’ai décidé de troquer ma tenue de douanier pour le costume de parlementaire dans le but de servir les populations démunies.

Donc vous n’êtes pas devenu député suite à une retraite du métier de douanier ?

Non, je ne suis pas encore admis à la retraite. Je suis toujours en fonction. J’ai quitté mon poste de Directeur Général de notre société de pétrole ACERP pour rejoindre l’Assemblée Nationale.

C’est par conviction que j’ai fait ce choix. Si je quitte l’Assemblée demain, je pourrais donc remettre ma tenue de Douanier.

J’ai voulu redonner gout à la vie à ces populations reculées dans l’arrière-pays pour qu’elles ne pensent pas qu’elles sont abandonnées.

J’ai donc commencé par organiser le défilé dans plusieurs autres villages les années précédentes. Et pour cette 6ème organisation, ça se passe dans mon village natal.

On a pu remarquer la présence de plusieurs députés à ce défilé. Pourquoi étaient-ils là ?

C’est la solidarité parlementaire.

Nous nous prêtons à ce jeu pour vivre l’expérience des collègues dans leur circonscription.

On apprend les uns des autres. On essaye de se fréquenter mutuellement pour que nous puissions tant que possible, être sur la même longueur d’onde.

C’est vrai que les réalités sont différentes mais au moins nous partageons nos expériences.

Vous êtes membre du parti MOUNI, principal allié du MCU le parti au pouvoir. Si des députés de l’opposition vous invitent à une célébration dans leur circonscription, vous y participerez au nom de cette solidarité parlementaire ?

Absolument. Une fois élus, nous constituons une famille. La famille des députés. Nous sommes tous des élus de la nation.

Si un député de l’opposition m’invite, je réponds présent. C’est la solidarité parlementaire. Mais lorsqu’il s’agit de débats d’ordre politique, chacun défend son camp, et là, il n’y a pas de pitié.

À votre domicile, on remarque que le portail est ouvert à tous. Aucun protocole de sécurité. Les gens rentrent et sortent avec un accès direct à vous. Chez certains de vos collègues la sécurité est très pointue. Pourquoi ce n’est pas le cas chez vous ?

Je dois mon siège de député à cette proximité avec la population.

En tant que 4ème vice-président de l’Assemblée Nationale, il est vrai que la fonction oblige un certain protocole de sécurité.

Mais lorsque je suis en visite dans ma circonscription, je demande à tous mes éléments de sécurité de se mettre à l’écart, et de se considérer en vacances, car je veux être sans encombres avec la population qui m’a élu.

Certes vous avez été élu, mais ce n’est pas tout le monde qui a voté pour vous dans cette circonscription. N’avez-vous pas peur pour votre intégrité physique ?

Peur de quoi ? C’est cette population qui m’a élu. Quel mal peut-elle me faire ?

Je suis toujours avec eux. J’échange et partage l’alcool de traite avec eux. Je suis le député de ceux qui ont voté pour moi et de ceux qui ne l’ont pas fait.

D’ailleurs, mes principaux challengers sont aujourd’hui mes meilleurs conseillers. Nous sommes des fils de ce pays qui conjuguent leurs efforts pour le développement de notre ville.

Nous avons appris que vous payez les maitres d’école dans votre circonscription. Est-ce vrai ? Cela peut-il continuer indéfiniment ?

Cela fait 6 ans que je paye sur fonds propres les salaires de tous les maitres parents dans ma circonscription. C’est une manière de contribuer au secteur éducatif de Nola.

C’est pour palier à une carence que je me sacrifie ainsi. Parfois, je me pose la question, combien de temps cela va-t-il durer ?

Pour cela, j’interpelle le gouvernement. Je suis conscient des difficultés qu’il traverse mais j’espère que les choses vont changer.

Il faudrait que les taxes d’abattage payer par les sociétés forestières qui opèrent dans notre localité puissent être redistribuées de manière équitable dans le secteur de l’éducation chez nous.

Nous allons travailler en symbiose avec les autorités locales et les opérateurs économiques de notre localité pour palier à cela.

Dans 5 ans, quand vous reviendrez, vous verrez que les choses auront changé.

Vous vous voyez donc déjà réélu aux prochaines élections législatives ?

Pour quelle raison ma population pourrait-elle me rejeter ?

Tout ce qu’elle me demande j’y réponds tant que je peux. Je suis à son écoute et nous sommes toujours ensemble.

Si ce n’est qu’à travers les urnes, tant que Dieu me prête longue vie, je vous le dis, c’est moi même qui prendrai ma retraite.

Rejoignez notre liste d’abonnés